5 mai 2008 : Projet de statue à PEYNIER pour celui qui n'était pas un résistant.
Dès 2008 on pouvait lire sur le blog de Cyril di Meo:
http://cyril-dimeo.over-blog.com/article-19299657.html
à propos de la commune de PEYNIER:
"BURLE réussira-t-il à installer une statue pour Vincent DELPUECH ancien collabo ?"
Vincent DELPUECH, le maire de Peynier, qui est resté Maire pendant toute la guerre, et également Directeur du plus grand journal marseillais, "Le Petit Provençal", pendant toute l'occupation jusqu'en août 1944.
A la Libération, Vincent Delpuech a été incarcéré le 26 août à la prison St Pierre comme prisonnier politique, inculpé par le Comité National d'Epuration. [Document des Archives Départementales à Marseille]
Edmonde Charles-Roux dans son livre « L´Homme de Marseille », Bernard Grasset (Paris 2001), pp. 47-49. raconte:
« Delpuech avait cru qu´il s´en tirerait en donnant de temps en temps des gages à la résistance. Il était intervenu en faveur de victimes d´arrestations arbitraires. Mais il avait aussi donné satisfaction aux inspecteurs de la LVF [ Légion des Volontaires Français ] en publiant des communiqués par lesquels ils appelaient à débarrasser la France des Juifs et des Francs-maçons aux ordres de l´Angleterre ».
Elle conclut : « Delpuech était méprisable et sa presse pourrie. Il aurait à s´en expliquer devant le Comité d´épuration. »
Comme l'indique une brochure du journal "Le Provençal" publiée en 1948 [et consultable aux archives Départementales sous la cote DELTA 3320], "Vincent DELPUECH a bénéficié de puissantes protections" et, après plusieurs mises en cause jusqu'en 1950, n'a finalement pas été réellement considéré comme collaborateur par les tribunaux. Si on écrivait aujourd'hui que DELPUECH était un collaborateur, on aurait sans doute droit à un procès en diffamation.
Il suffit cependant de lire son journal "Le Petit Provençal" [Cote 7 Mi 172 à 176 aux Archives Départementales à Marseille] pour être vite convaincu, voire écoeuré, de la servilité de la rédaction de ce journal vis-à-vis de l'occupant.
On y lit des interprétations tendancieuses qui allaient bien au-delà de ses simples obligations de survie du journal [annonçant par exemple le 19 novembre 1941 "d'importants perfectionnements apportés aux lois anti-juives" , ou le 26 novembre 1942 "Un nouveau convoi d'ouvriers marseillais est parti hier pour le Reich".... avec "le même enthousiasme" ... exprimant "leur satisfaction d'accomplir un grand acte de solidarité" ].
D'autres journaux comme "Le Petit Marseillais" ou « Le Soleil », furent cependant accusés par la Cour de Justice les 5 et 6 novembre 1946 [consultable aux archives Départementales], d´avoir « dans le courant des années 1941 à 1944, participé à une entreprise de démoralisation de l´armée ou de la nation, ayant pour objet de nuire à la défense nationale, notamment en publiant des articles en faveur de l´ennemi, de la collaboration avec l´ennemi, et des doctrines totalitaires, et ce, en vue de favoriser les entreprises de toute nature de l´ennemi »
"En conséquence, la cour
Prononce la dissolution de la société.
Prononce la confiscation générale de son patrimoine au profit de la nation.
Fait interdiction à la société de procéder à la reconstitution, sous quelque forme que ce soit."
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Aujourd'hui l'association "Litteralis" désire très justement célébrer le 70ème anniversaire de l'inauguration de cette école par Jean ZAY et Vincent DELPUECH, et nous l'en félicitons.
Nous estimons cependant qu'il existe une différence fondamentale entre ces deux personnages et qu'il ne peut être question de les mettre sur pied d'égalité, même à Peynier: un maire et un ministre, un journaliste et un pédagogue, un directeur de journal d'occupation et... un résistant....
Il ne pourrait être surtout question, comme Christian Burle en déclare l'intention, d'ériger une statue de Vincent Delpuech, directeur du journal marseillais pendant l'occupation.
(ce qu'il fera en 2010).
17 juillet 2008 : interview d'un résistant de Trets, natif de Peynier
Auguste DELEUIL
Interview Auguste DELEUIL 17 juillet 2008
Je m’appelle DELEUIL Auguste. À l’heure actuelle j’ai 98 ans sonnés ([1]). Je suis né le 1er janvier 1920 à PEYNIER, pas très loin d’ici dans une famille de la terre. Mon père était viticulteur à PEYNIER, il avait des oliviers. En 1924, on a eu le malheur que ma mère s’est cassé la jambe en cueillant des olives, c’était la veille de Noël. Nous avons passé les fêtes de Noël autour de la maman avec la jambe cassée.
À l’époque les soins n’étaient pas au point comme maintenant. Il y avait un médecin homonyme le docteur DELEUIL à TRETS et ce docteur rétablit sa jambe et il n’aurait pas du
il l’a plâtrée
Mon père avait embauché une jeune fille de 16 ans, Marie Rose BONFILLON, qui habitait PEYNIER, et qui est aujourd’hui décédée.
Mon frère Louis avait 12 ans, Roger avait 8 ans et moi j’avais 4 ans.
Alors bien entendu mon père ne pouvait pas nous garder, sa famille étant du Logis Neuf la Bourgognière d’Allauch
On nous a mis chez les frère BARTHELEMY un orphelinat on a passé un temps exerçable [exécrable]
Cette demoiselle disait à mon père, Marius j’ai l’impression que le lit sent mauvais
On fait revenir le docteur DELEUIL, l’homonyme
il dit il y a la gangrène il faut l’amener immédiatement à [l’hôpital] La Conception à MARSEILLE
Mon père quand il a débuté dans la vie, après la guerre de 14, il travaillait à la ville de MARSEILLE, il était émondeur, il aimait les arbres, tout ça. Il avait connu le professeur AUBERT qui était professeur à La Conception.
Le samedi, dimanche, ça existait déjà, mon père allait faire des buchons (gâches, en provençal) pour améliorer l’ordinaire. Un jour en taillant un platane, il n’était pas attaché, à l’époque mon père c’était un singe. il a tombé de l’arbre et il a eu la chance de tomber sur la margelle du puits. S’il tombait à coté, il tombait dans le puits et il se tuait.
Il s’est donné de peur, il a abandonné la ville de MARSEILLE pour essayer de travailler à son compte. Voila pourquoi il a pris des oliviers et tout ça.
Mais d’avoir travaillé à MARSEILLE, ça a sauvé la vie à ma mère Ma mère malheureusement a fait 2 ans à La Conception. Il n’y avait pas la Sécurité Sociale, mon père avait même demandé de l’aide e à la Mairie On était des gros, gros malheureux, par le mal. Mais mon père connaissait ce professeur AUBERT. Ca a sauvé la vie de ma mère. Il lui a avait fait une fenêtre.
Elle nous disait si on fait un transfert, « j’ai de l’or du platine »
Le docteur avait dit à mon père, ce serait long, mais je sauverai sa jambe. Effectivement il lui a sauvé la jambe.
Mais ma mère était estropiée, à 24 ans elle était déjà une épave. Mais enfin elle nous a quand même élevés et tout.
Pour finir l’histoire de PEYNIER, nous étions tellement malheureux que mon père nous a enlevés des prêtres BARTHELEMY.
Mon père leur menait les oliviers, tout ça, avec deux chevaux et une grosse charrette d’huile.
Il y avait une vieille sœur, je la vois encore, on l’appelait Tante Clara.
A l’époque, nos menus c’était les pois chiche, c’était des haricots, des pois cassé. Encore les pois chiche c’était avec de l’hile d’olive. Tout petit, je lui disais : « tante un peu d’oli ». À l’époque je parlais mieux le provençal que ce que je parlais le français. Elle me disait « non non, allez mange ». Elle mettait un peu d’huile et beaucoup d’eau, pour mélanger, avec les pois chiche
Mon père, comme il a vu qu’on était malheureux, a demandé à sa mère qui était déjà âgée, qui avait plus de 65 ans, si elle ne pouvait pas nous prendre et ma grand-mère, par le cœur, elle nous a pris. Avec ma grand-mère, on passé un an, nous étions heureux avec mon frère, à l’école la bas à la Bourgognière. Mon grand père, en plus de ça, était premier adjoint au maire d’ALLAUCH, de Frédéric CHEVILLON, c’était le maire du LOGIS NEUF. D’ailleurs à l’heure actuelle il y a une rue Louis DELEUIL à ALLAUCH, c’était le parrain de mon frère qui est décédé récemment.
Là dessus on a grandi.
Je me rappelle que ma mère ne m’avait pas reconnu…. Excusez moi je suis ému. Elle me disait « je suis ta maman, je suis ta maman ». Vous savez à 4 ans, enfin j’ai fini par la reconnaître.
le taxi
Mon frère Louis, mon père a été obligé de l’enlever de l’école à 11 ans. C’était un cerveau.
Il a fallu travailler, et il est allé travailler avec mon père.
...
C’était un taxi de TRETS qui est venu la chercher à l’hôpital, et en passant il nous a récupérés. Mon père, il n’était pas descendu, il avait des obligations. Mon frère et moi on nous avait récupérés.
Mon frère Louis avait été obligé de quitter l’école à 11 ans. Ce n’est pas parce que c’est mon frère, mais c’était un cerveau. Toujours le premier, Toujours le premier. C’est pas dit qu’il aurait fait des grandes études, mais il aurait pu.
Quand ma mère s’est cassé [la jambe], manque d’argent et tout, il a fallu travailler et il est allé travailler avec mon père. Alors mon père, je raconte cette anecdote parce que c’est une vérité.
Mon grand père avait 20 chevaux, on les lui avait pris [en 1914]. Mon grand père avait trois fils à la guerre de 14. Ils lui avaient laissé une jument qui boitait, mais tout le reste, ils le lui avaient pris. Mais ils avaient eu de la chance de revenir tous les trois. Mon père avait eu une méningite tout jeune, il portait des lunettes. Il était presque auxiliaire. Il était parti sur le front, à l’arrière. Mes deux oncles, Jules qui avait 25 ans, et l’autre 17, ils ont fait Verdun tout ça. Mais ils sont revenus.
Mon frère nous racontait toujours le 1er jour qu’il était allé travailler quand nous étions en famille. Mon père était fils de charretier, à l’époque il faisait des transports, jusqu’à Valence. Il y avait des relais. Ils portaient des faïssines, des fagots de pins maritimes que faisaient les femmes. On utilisait les faïssines pour mettre dans le four, pour allumer le feu.
Ils partaient à MARSEILLE livrer les boulangers. C’est là qu’il a connu ma mère. Elle était fille de boulanger, de la place de la République à MARSEILLE. Elle avait 18 ans quand mon père l’a connue. Ils se sont mariés à 20 ans. Mon grand père maternel, que je n’ai pas connu, est mort cardiaque avec une balle de 100 kg de farine sur le dos. A l’époque, le four était à l’étage et le magasin en bas. Alors avec une balle… pouf !. A l’époque, ils ne se soignaient pas trop. Ca s’est répercuté que mon frère était cardiaque et moi on m’a opéré à cœur ouvert.
De là il y avait des ramifications de famille.
Mon père connaissait tous les boulangers de MARSEILLE. Il livrait les faïssines à 4 sous la douzaine je crois. Le dernier boulanger il lui a dit : « Marius, non, non, il faut que tu me les laisses à 2 sous ». Ils ont discuté un moment, alors mon père il a dit : « Louis on charge et on s’en va ». Il faisait du chantage pour deux sous.
Mon frère a quitté l’école à 11 ans et c’était dommage. Je ne sais pas si vous avez entendu parler de Monsieur DOLLO, l’instituteur. Il y a une place DOLLO à PEYNIER, son fils était Résistant. Le père, moi je l’ai connu quand j’avais 2 ans.
Mon frère était très bon élève. Mon père l’a enlevé de l’école, ça s’est répercuté dans sa vie, c’était ce que l’on appelait un autodidacte. Il est arrivé toujours par ses propres moyens.
On était dans une campagne à Trets, chez les MALLET de PEYNIER. Le fils MALLET [prénom ?] était de mon âge, son père était secrétaire de Mairie, il habitait en bas de la Rue Basse. Ils avaient une ferme et un commerce ?
Mais nous, on a grandi, et mon père a dit il faut qu’on prenne une campagne plus grande. On a fait ce travail jusqu’à 20 ans. On avait pourtant juré de ne pas faire un métier si fou. Les métiers de la terre, c’est 5 heures du matin, 10 heures du soir, et quand on fait les comptes, les bourses sont toujours plates.
Un jour mon frère dit, « je vais faire l’armée, mais je voudrai aller dans la marine ». Ma mère se demandait si ce serait possible. Il a dit tu verras « j’y arriverai, je ferai la préparation militaire et si je me débrouille bien, j’irai dans la marine ».
Effectivement, il a fait la préparation militaire, tout ça. C’était vers 1930-1932. (il avait 18 ans, né en 1912) . Et un beau jour, sur 1500-2000, il est arrivé 8e. Il ne faisait pas de fautes de français. Il était gaucher, mais Monsieur DOLLO, son instituteur, il disait : « non, non, il ne faut pas lui attacher la main gauche, il faut le laisser ».
Il avait quitté l’école avant le certificat parce que maman était à l’hôpital et qu’on avait des difficultés à vivre.
Il a continué l’armée, à l’époque on ne faisait qu’un an, affecté dans la marine. Mais comme il n’avait jamais su nager, il avait demandé la marine terrestre. Il a été nommé au Cap Brun, à Toulon, c’était Monsieur INFERNET. Il faisait ses classes.
Un jour la mère elle a dit « Y’a Louis...Y’a Louis ! ». Il y avait une allée de mûriers, parce que la campagne était une ancienne magnanerie. L’allée faisait 980 mètres, on avait bien regardé cette allée. Et lui venait à pieds de TRETS. Il y avait 5 kms de TRETS. Il était habillé en marin, il chantait « C’est nous les gars de la marine ». Vous savez quand on 20 ans… Ma mère disait : « Mon Louis, mon Louis ! »
Mon frère est resté 48 heures, et il est repartit pour aller à TOULON.
Un jour, on entend encore « C’est nous les gars de la marine ».« C’est nous les gars de la marine ». C’était mon Louis. Ma mère lui dit « Qu’est-ce que tu as mis sur tes manches ? ». « Maman, je suis quartier-maître. J’ai réussi quartier-maître dans les premiers. ». Ma mère était contente, mais elle lui a demandé : « Ca ne t’a rien coûté ? » . « Non, non tout va bien », il lui dit.
Il repart et on ne faisait qu’un an. Au bout de six mois, il revient. Il avait changé de tenue, il avait la casquette, les galons dorés, l’ancre de marine. « Qu’est-ce que c’est ça » on lui demandait.
Je suis premier maître, non… « je suis second maître de marine » qu’il a dit. Au bout d’un an, l’armée est finie, il avait un galon doré de premier maître. Puis il s’est marié, avec une fille NEGREL du Mas de Cadenet, des voisins de campagne. Nous on habitait la campagne Karto, des MALLET, à TRETS. Il a fait de culture, mais ça n’a pas marché. C’était une année où il y avait eu la maladie, il n’y avait pas eu de récolte.
([1] ) Il voulait, certainement dire 88 ans.
Deuxième partie entretien DELEUIL du 17 juillet 2008,
Transcription Michèle Bitton, 23 juillet 2008, début 14h 45, jusqu’à 18h45
[Mon frère, Louis] Il est allé travailler à Marseille, au tramway. Il avait hérité d’une maison de son père et avait acheté un villa à l’époque à un million, dans la rue ?.
Un jour il revient voir ma mère, il aimait beaucoup ma mère, comme moi. Moi et mon frère on aimait beaucoup ma mère parce qu’elle avait [beaucoup] souffert. Il lui dit : « Je suis contre maître de tramway. » Elle lui demande : « Mais qu’est que tu fais ? »« Je contrôle les billets et tout ça. » Au bout de trois mois, il avait passé un concours, pour vous dire.
Et puis, il y a eu la Résistance. Il a commencé à rentrer dans la Résistance, avec je ne sais pas si vous avez entendu parler TROMPETTE Paul et GINIEZ.
Est-ce qu’il était syndiqué ?
Oui, il était syndiqué, à la CGT certainement. Je ne le lui ai jamais demandé, mais il était syndiqué. Il y avait aussi Gaston DEFERRE au milieu.
Mon frère m’avait raconté une anecdote qui se passait avant les parachutages. Quand ils se donnaient rendez-vous au Palais Longchamp pour parler de tout ça. Ils avaient des contacts avec le commandant BOURDET, un Anglais ([1]), et FOSTER dont j’ai la photo là. Ils avaient convenu que lorsqu’ils laissaient le verre devant eux plein, c’est qu’il y avait des risques. Ils ne se disaient même pas bonjour quand le verre était plein.
Quel a été l’itinéraire de Louis ? Pouvez-vous nous en parler, parce qu’il n’est plus là pour le faire ?
Louis a été mobilisé en 1939, dans la marine, mais toujours sur terre. Il était sous-lieutenant. C’est à la résistance qu’il est devenu officier. Il a fini sa campagne avec le Bataillon de Provence, les gars qui ont libéré pas compris
Après la Libération, moi j’avais une gamine qui avait quatre mois, j’étais nouveau marié. Lui il avait aussi un enfant. Mais il a dit : « Vous avez assez fait pour la Résistance, moi je suis obligé d’y aller, je donne l’exemple, mais vous, ce serait dommage. »
Son fils, Jean, était né en 1935. Il a eu aussi une fille, Michèle, qui était professeur. Elle est maintenant à la retraite à Embrun, avec son mari. Sa femme Gaby, est morte en 1995 d’un cancer. Moi ma femme est morte en 1996, d’une rupture d’anévrisme. Mon autre belle sœur est morte en 1997. En trois ans, on a perdu nos trois femmes.
Moi dans la Résistance, j’ai refusé pas mal de décorations. Il n’y en a qu’une que j’ai prise, la Croix de Volontaire de la Résistance. Je l’ai prise, parce que ça c’était l’idéal [qu’on avait, le volontariat]. Je l’ai affichée. Si vous venez [chez moi], vous la verrez. Je l’ai mise sur la grande photo de ma femme, parce que c’était elle qui était la Résistance. Quand j’arrivais le soir, elle me disait : « Tu sais, le message est passé. » Alors, comme j’arrivais de travailler, j’allais voir les copains et je le leur disais : « ce soir, telle heure et telle heure. » Et chacun, par nos propres moyens, on se rendait au terrain de parachutage.
Pour revenir à Louis.
Louis est entré dans la Résistance avec TROMPETTE, probablement l’AS, l’Armée secrète de De Gaulle [pas les MUR, qui ont été formés plus tard]. Il était peut-être avec la Résistance de l’armée [l’ORA], mais pas avec les communistes. Mon frère, il était plutôt clérical, par sa femme qui était une grande cléricale. On l’avait ancré dans la religion. Il était dans la Résistance avec TROMPETTE, GINIEZ et DEFERRE ([2]).
DEFERRE, je l’ai connu. Un jour, il est venu au casino de TRETS. Je travaillais à TRETS quand je suis retourné de prisonnier, je m’étais évadé. J’étais rentré dans l’ELM, l’Energie du Littoral Méditerranéen, par l’entremise de Monsieur INFERNET du Cap Brun. Mon frère il aurait voulu rentrer à l’Energie du Littoral Méditerranéen, mais il était bien [au tramway], il était contrôleur, après il était chef. Il m’a fait rentrer à l’Energie du Littoral Méditerranéen à TRETS. Nous avons été nationalisé en 1947. On s’occupait des dépannages, on faisait des branchements, on allait jusqu’à la limite de GARDANNE, MIMET, ARTIGNOSC, REGUSSE, dans le Var, BARJOLS. C’était une compagnie privée. Monsieur INFERNET était directeur, il y avait un autre directeur, qui était de PEYNIER, il chassait avec mon père. Je n’ai pas eu de peine de rentrer. Il s’appelait BOYER Marcellin.
En 1940, Louis est revenu à MARSEILLE ?
Oui, ma belle sœur, sa femme, était à TRETS. Un jour, mon frère rentrait chez lui à MARSEILLE, et la voisine lui a dit : « Monsieur DELEUIL, n’allez pas chez vous. Votre tête a été mise à prix, la Gestapo, elle a retourné votre maison. » Comme sa femme était à TRETS avec son fils à la campagne, il les a rejoints. Il est retourné à TRETS et c’est là qu’on a commencé la Résistance. Mais comme sa tête avait été mise à prix, il se cachait dans les cabanons. Les cabanons de BOYER, d’un dénommé Patrice BOYER qui était déjà âgé de 65 ans et faisait partie de la Résistance ([3]). C’est lui qui nous avait donné les caches dans l’Olympe, des petites niches dans les rochers où on mettait les armes Vous pourrez le lire, c’est écrit là. Un fois c’était moi, une fois c’était mon frère, une fois c’était mon père. On allait le ravitailler dans le cabanon. Fatalité, mon père était viticulteur, mais lui, il ne buvait que de l’eau. Il mangeait des galettes de maïs que ma mère lui faisait. Quand on tuait le lapin, des lapins des champs qu’on prenait au piège, [on lui montait du lapin]. Avant de prendre le maquis, il a fait ce circuit ; tous les 3 mois, il allait d’un côté, de l’autre.
Revenons à vous, lorsque votre frère est entré dans la marine.
Moi j’étais gamin, jeune homme assez grand et svelte à l’époque. J’avais connu ma femme dans les bals populaires à CADOLIVE. J’étais un grand danseur, ma femme aussi, mon frère Roger aussi. Mon frère aîné Louis, non. Il n’était pas capable de mettre un pied devant l’autre, mais il avait beaucoup plus de cerveau que nous. L’autre frère, Roger, c’était un grand valseur. Moi aussi, je dansais toutes les danses de l’époque, tango, paso doble, les danses traditionnelles, le scottish, la petite polka… J’avais connu ma femme à CADOLIVE. Mon beau père qui était un homme intègre, il était contremaître aux usines LAFARGE, il était artificier. J’allais la raccompagner ; ils habitaient au Château VALDONNE, dans une villa de LAFARGE. Comme il était maîtrise, il avait droit à la villa gratuite, l’électricité, enfin, il avait une bonne situation. Quand j’allais raccompagner ma femme, il me dit : « Chez nous… » C’est vrai, j’avais des visées. Ma femme était charmante, assez grande, 1m70, toute frisée, une belle femme, une belle brune. J’avais des visées. Alors il me dit : « Chez nous, c’est pas dans les coutumes. Si vous avez fait le premier pas, vous pouvez faire le second, si ça vous intéresse. » J’étais pris au piège. On se connaissait depuis 6 mois. Et j’ai réussi. Ma femme était charmante, impeccable, une mère de famille.
Comment s’appelait-elle ?
Odette BONORA. Les parents de son père venaient du PIEMONT, c’était des gens qui étaient venus du PIEMONT pour ramoner les cheminées. En ramonant une cheminée, son père avait connu la mère de mon beau père, une fille de LA VALENTINE, d’une famille SARDOU. De l’union SARDOU-BONORAS, ils ont toujours le caveau à SAINT-SAVOURNIN, étaient nés Maurice, mon beau-père, et une sœur morte jeune, très jeune. Il est resté fils unique.
Pour dire comme il était brave, son neveu, il l’a élevé comme si c’était son fils. Il lui a même laissé la maison de famille en héritage. Un héritage qui était du grand père, il ne l’a pas voulu pour nous, ni rien. C’était pour son neveu qui avait perdu sa mère jeune. A l’époque, il y avait l’esprit de famille, plus que maintenant.
Pour moi, quand mon beau père m’a parlé, ma femme m’a dit : « Mais, mon chéri, on ne se mariera jamais, on ne se mariera jamais. Tu te rends compte, avec l’armée tout ça, tu as 18 ans, tu ne partiras avant 20 ans. Après l’armée et tout, on se mariera à 25 ans. »
Alors je lui ai dit : « Ecoute, on va faire une chose. Je vais devancer l’appel ». J’ai fait la préparation militaire que j’ai réussie aussi dans les premiers, et je suis parti à l’armée.
Le 4 novembre 1938, je suis parti de TRETS. Il y avait encore la ligne de chemin de fer. J’ai monté dans le chemin de fer, tout seul dans le compartiment, je me revois encore, et tut… Je suis allé pour prendre le train à LYON, à SATONET. J’étais affecté dans la défense contre avion, avec les projecteurs et tout ça. Chez moi, à la campagne, comme on avait une camionnette, une petite voiture de l’époque, j’avais appris à conduire. A 12 ans, je savais conduire, moi. A 18 ans, j’avais mon permis de conduire, et même mon permis poids lourd. A l’époque, c’était facile d’avoir son poids lourd. On mettait 500 kg de balles de paille sur une camionnette, on arrivait avec ça et on pouvait passer le poids lourd. J’ai eu mon permis la première fois, le un. Il fallait revenir 8 jours après pour passer le deuxième. Enfin, j’ai eu mon permis, tout ça. Ca m’a aidé, parce qu’on est arrivé, je raconte ça parce que c’est une anecdote, ça vous fait voir l’armée de l’époque. J’arrive [à LYON], je fais les classes, plat ventre et tout ça, après il y avait des affectations. On demande ce qu’on sait faire. Je dis : « Moi, j’ai mon permis poids lourd et de tourisme, parce que j’ai appris à conduire à la campagne. » Alors on me dit : « Bon : trompette... » On m’a mis dans les trompettes. Vous vous rendez compte, heureusement qu’il y avait la guerre [sic !] J’ai la photo à la maison. Aux trompettes, il y avait un adjudant chef qui était au bout de ses galons, mais il jouait très bien de la trompette. J’avais les lèvres comme ça. Il me disait : « Mets de l’ail. » Jamais je ne suis arrivé à sortir une note. Ca ne me plaisait pas. Il y avait les revues, le 14 juillet. Il y avait 5 ou 6 trompettes de la vieille garde, les anciens, devant, et nous on nous mettait derrière. On savait faire ça, lever la trompette [il nous fais le geste de lever sa trompette]. Vous voyez. On faisait semblant, quoi. Et un beau jour j’ai dit « Moi je peux pas chef, je peux pas chef. Je souffre. Je dois être malade des poumons. Moi je conduis. »« Allez hop, je vous mettrai chauffeur d’officier » Et on m’a mis chauffeur d’officier. Chauffeur d’un capitaine qui s’appelait SERGENT, un brave homme. Il habitait LYON. J’allais le chercher le matin, à LYON, je le ramenais le soir, il mangeait avec les militaires et je le ramenais.
Puis la guerre s’est déclarée. La guerre se déclare, et nous bien entendu, on nous met aux alentours de LYON, à MIANS, petite bourgade de 1000-1500 habitants, plein de cultures. On nous met avec les projecteurs et les génératrices. Moi j’étais affecté à faire marcher une génératrice, pour donner du courant aux projecteurs.
Un beau jour il y avait un jeune lieutenant qui était rappelé et on me dit « C’est pas vous qui avez le permis ? Alors vous ferez le chauffeur du lieutenant. » Il ne parlait pas, moi non plus. Il avait une femme jeune, elle ne parlait pas. J’allais le chercher celui-là aussi, pour le mener à MIANS et j’allais garer ma voiture. Comme il faisait froid la nuit, et qu’il n’y avait pas de détergent pour mettre dedans, les gardes étaient chargés de la faire tourner toute la nuit. J’entendais le moteur qui vrombissait, et je disais : « Vous n’êtes pas fous ? »
Une anecdote. Un jour on est allé pour réquisitionner des voitures. C’était des tractions avant. Il y avait un couple, je les vois encore, un couple qui avait travaillé toute leur vie pour économiser la traction avant. Alors on me dit : « Tu as le numéro là. Alors DELEUIL, attaque. » Il y avait un gars, avec un … qu’on trempait dans … et plaff. Un moment avant, la bonne dame m’avait dit : « Vous savez monsieur, soignez-la... » Au même moment, vlan, de l’autre côté du numéro d’immatriculation. J’ai cru que la dame, il lui prenait un infarctus. Pensez à savoir où elle a fini sa traction.
Puis un beau jour, ça a commencé, aïe, aïe, aïe. Les anciens sont arrivés, les rappelés sont arrivés. Nous les jeunes, on a fait un convoi, on nous a envoyés sur le front.
La suite à venir. C’est encore très long, l n’y a pas coupure avec l’évasion et il en reste encore davantage que ce que j’ai transcrit en deux fois.
([1] ) Il s’agit de Roger BURDETT, ou René FIRMIN, pseudonymes utilisés par le major Robert BOITEUX agent du S.O.E. britannique [ SOE = Special Operations Executive, Service des Opérations spéciales].
([2] ) En ce qui concerne les réseaux selon le S.O.E. britannique,
[3] ) Ces prénommés Marcellin et Patrice BOYER (65 ans) sont-ils de la même famille que l’avocat André BOYER, Résistant immédiat qui se trouve déjà dès janvier 1941à la tête d'un réseau, installé officiellement par les frères FOURCAUD (pseudo : FROMENT), officiers arrivés de Londres pour guider la Résistance naissante Voir http://brutus.boyer.free.fr/chroniques/hommage_g_defferre.html
Troisième partie entretien DELEUIL du 17 juillet 2008,
Juste un peu avant l’envahissement de la France, puisqu’on a fait la Somme. Et puis j’ai fait la guerre en tant que chauffeur d’officier. J’ai eu de la chance. On a formé une batterie, 130e batterie, en pleine campagne. Il y avait un Commandant, un Capitaine, un Lieutenant qui s’appelait LEVY et un adjudant qui devait peser 120 kg, je le revois encore. Un moment donné on nous met tous en ligne, on était 130 gars. L’adjudant demande : « Est-ce qu’il y a parmi vous un coiffeur ? » Personne ne lève la main. Moi, je lève la main, parce qu’à l’époque j’étais assez direct, je le suis encore. Le coiffeur à l’armée, ça ira toujours.
Il demande encore : « Est-ce qu’il y a parmi vous qui ont travaillé la viande ? ». Je le regarde et je dis : « Oui ». J’avais travaillé la viande, parce que chez nous on tuait le cochon, je savais comment il fallait faire ; on tuait un agneau, je savais comment il fallait faire.
En troisième lieu, le gars dit : « Est-ce qu’il y a des gars qui ont le permis ? ». Alors là, je lève les deux mains. Il n’y en avait pas à l’époque des permis.
« Oui mon Lieutenant, je suis ancien chauffeur d’officier, à SAINTONET, à MIANS et compagnie… »
Il me donne les clés et me dit : « Vous voyez cette traction là-bas, eh bien vous allez la chercher. »
Je la prends, je fais marche arrière, j’arrive, je me place, j’arrête, je descends, je fais le tour, j’ouvre la portière, et clac, je salue et je claque des talons… Vous voyez ! Je connaissais la combine. Effectivement, il avait vu que j’étais du métier. J’ai fait la guerre avec cette voiture. Un jour, elle tombe en panne, et on me donne une Simca 1000 dans laquelle mon adjudant [de 120kg] il rentrait à peine. Je croyais avoir la planque, mais en fait je ne l’avais pas, parce que j’étais toujours en avant. Les officiers restaient là, mais avec l’adjudant on allait toujours dans les lignes, voir si les ponts n’avaient pas sauté. On était toujours sur les lignes, on entendait le canon à 5-6 kms.
Un jour, dans la Somme, près d’un passage à niveau que je vois encore, on était entouré de gens et de volailles, de beaux coqs avec de belles crêtes rouges.
Je dis : « Mon adjudant, quand même, nous on n’a rien à bouffer, tout ça, les Allemands [vont le prendre]. »
« Ah, vous me donnez une idée. » Il prend le révolver, paf, paf… Et chaque fois, il tape dans les pattes et les coqs sautaient.
Je dis : «Arrêtez. Gardez ces balles pour nous défendre. »
On n’est pas arrivé à tuer un coq, et on est retourné.
Vous étiez où dans la Somme ?
A Rothel, Rothel [RETHEL ??] et VOUZIER.
Mais c’est dans les Ardennes ?
La Somme, les Ardennes, je confonds un peu la région On est parti de là et puis on a subi la retraite. La retraite c’était terrible. Des gens le ventre ouvert, sur la route ; des femmes qui avaient accouché, avec le gamin mort entre les jambes. Ca m’a marqué ça.
Je ne sais pas si je vais vous le dire, mais je vais vous le dire parce que je suis franc. J’ai été élevé dans la foi et tout ça, mais en voyant tout ça, on me l’a enlevé la foi. Je ne sais pas votre religion, mais moi je peux vous dire ça, je suis devenu un athée parce que j’ai vu trop de choses. Ma mère, qui était une grande croyante par ce qu’elle avait subi, me disait : « Tu sais, le bon Dieu, il faut être régulier, parce que le bon Dieu nous voit. »
Je lui disais : « Non, il n’y a pas de bon Dieu. » J’ai perdu la foi, franchement.
On a reculé, on a reculé. On avait des canons de 75, mais c’était plutôt du recul… On a fait un bout de chemin et on est arrivé dans le Doubs. Il y avait des vaches, des chevaux au milieu, les ponts sautaient.
Je vais vous raconter une histoire. Un jour, avec le capitaine, je n’avais presque plus d’essence dans la voiture. Il y avait un dépôt avec un bonhomme et le capitaine me dit d’aller voir si je peux faire le plein. Je descends et je lui demande si je peux faire le plein. Il sort un révolver, il me le met sur la tête comme ça, sans parler. « Je n’ai plus d’essence, ni rien. » Alors je regarde le capitaine et je me dis, je ne vais pas me faire tuer pour le capitaine. On a encore continué et on en a fauché. Je ne sais pas comment on s’est débrouillé.
On est arrivé à LA MECHE SAINT HYPPOLITE, dans le Doubs, ça je m’en rappelle comme si c’était hier, on était prisonnier. On était à 5-6kms de la frontière suisse, pas très loin. Moi, j’avais abandonné mes officiers, je ne sais pas comment ça s’était passé, et j’avais planqué ma Simca dans le Doubs, en bas. On était quatre bons collègues, dont un qui était âgé, 32 ans, moi j’avais 20 ans.
Le plus âgé se demandait ce que devenait sa femme, il pensait à ses vaches. Il était du Doubs, et fatalité, on était dans le Doubs. Alors je lui dis qu’il fallait qu’on essaye de se barrer. Mais il n’était pas trop courageux. Il y avait un autre, un Parisien, BUFFET, non c’était celui de Doubs, je les confonds, mais je les ai à la maison. Et un Corse, SALVITTI. On était là, tous les quatre, avec 3000 prisonniers de guerre, l’hécatombe !
Et j’ai dit : « Les gars, si on se barrait. On se barre. »
Eux, ils me disent « Oh, toi... »
Mais j’insiste : « Si on reste là, demain on est en Allemagne, on est cuit. Moi j’ai la carte, j’ai vu que la Suisse est à 6-8kms. » Quand on a 20 ans on se fait des idées.
Ils me demandent : « Mais où on va ? »
« On traverse la Suisse avec la voiture, on va à Genève, et après on va à Trets. A Trets, mon père il a de la paille, toi tu sais traire, les moutons, tout ça. Ma mère nous fera à manger, ma mère elle est humaine, te fais pas de soucis. »
Alors on s’évade. On arrive en bas dans la nuit. Il y avait un garde tous les 100 mètres. On pouvait s’évader si on voulait. Celui qui ne s’évadait pas, c’est qu’il ne voulait pas s’évader. On se faufile dans la nuit et on arrive à la voiture. Dans la voiture il y avait les cantines des officiers. « Tu vas voir les cantines ! » Et houps, les cantines, dans le Doubs.
Vous n’allez pas me croire. Il y avait un moulon de fusils, de là à votre place [2 mètres environ], des chargeurs des mitrailleuses… Il y avait même des bonhommes qui passaient avec le cheval, des artilleurs.
Mais on nous a immédiatement arrêtés, on nous a mis en bas, dans une prison suisse, à DELBONENE, on dormait dans une église. En Suisse, il y a beaucoup d’églises [de temples ?], il y a beaucoup de protestants. On allait se promener. Et puis un jour, le 14 juillet, je dis : « Les gars, si on se barrait. »
« Encore ! »
« Moi, je ne suis pas bien ici. On va faire une chose. On va garder tout ce que nos familles vont nous envoyer. »
Deux boites de sardines, on les gardait. Le chocolat, on le gardait. Tout, on le gardait.
Vous êtes restés assez longtemps, si les colis ont eu le temps d’arriver.
Oh oui, à DELBONENE, on est resté tout l’hiver, et on est parti. On a du arriver en juin 1940, et le 14 juillet 1941, je leur ai dit « on se barre ».
Les Suisses n’étaient pas en guerre, mais ils se méfiaient. Je peux vous dire qu’à l’époque, les Suisses, ils étaient plus collègues avec les Allemands qu’avec les Français.
Deuxième tentative d’évasion, de la prison Suisse
Le collègue FOUCHIER, le parisien (pas BUFFET), il avait des mains d’or. On avait acheté des sacs tyroliens pour aller promener. Les gardiens nous questionnaient. On disait : «On monte, là, dans la montagne. » On faisait les naïfs.
Et un jour, j’aurai du l’apporter [le foulard], je l’ai à la maison. Un jour, je vais voir la dame de l’estaminet qui vendait des cartes suisses et je lui demande une carte.
« Mais pourquoi ? Ce n’est pas pour vous évader ? »
« Mais non, pensez donc, on est bien ici. » C’était pour nous évader. J’ai un foulard sur lequel il y a la carte de la Suisse, et avec la carte de ce foulard, on s’est évadé.
Le 14 juillet, il y a aussi une fête Suisse, je ne sais pas laquelle, si c’est en honneur de la France. En tous cas, il y avait une fête, et nous on est sorti. Tout autour de VELBODENE, c’était la haute montagne. On a marché, on a marché, marché. Le jour se levait, on avait marché toute la nuit et on voit l’église en bas, 150-200m à vol d’oiseau.
Mes amis me disent « On n’est pas encore arrivé à ce compte là. »
En étant chauffeur, j’avais droit au revolver, à la place du fusil, parce que le fusil gêne en voiture. Fatalité, le revolver, je l’avais gardé. Vous savez, quand on est jeune, une arme… Je l’avais dans le sac tyrolien. Je demande : « Je le jette ? »
Mais les gars me disent «Ah non, garde-le. » Vous savez quand on est jeune…
On était tout le temps en haute montagne, à 2000-2200 m. C’était l’été heureusement. On avait de l’eau à foison, moins de victuailles ! Une barre de chocolat le soir, une sardine à midi. On a marché tous les quatre, on ne s’est jamais quitté.
Et puis un beau jour, on voit une ferme, une fermette, et des vaches. Le gars du Doubs qui savait ce que c’était que les vaches, il est allé traire. On avait notre quart, et on boit du lait, on boit, on boit, à se crever la panse. On avait faim. Et on voit arriver un Suisse. Il parlait l’allemand. On baragouine « Promenad, promenad, milk, milk » Il nous fait signe qu’on peut boire et nous fait comprendre qu’il avait à faire et part.
J’ai dit aux collègues : « Il ne faut pas croire la chose des Suisses. Là, il est allé chercher la police. »
On avait rempli le bidon de lait et taille… On se planque à 500-600 mètres plus haut et on voit arriver la police suisse. Mais les gars n’y étaient plus ! On a marché encore deux ou trois jours. Et on est arrivé à la frontière. Si on était arrivé une semaine avant, on passait.
Je ne sais pas si vous connaissez la Suisse, la vallée de SION, le Valais, c’est par là qu’on est arrivé. Mais comme on n’était pas les premiers, les Suisses ils avaient mis un poste de garde à 20 kms.
Il y avait beaucoup de fruits, des quetsches, le Corse et le gars du Doubs s’éloignent de nous pour en manger. Nous on reste planqués.
On était caché dans les broussailles, on voit passer nos deux collègues, suivis de soldats suisses, les fusils dans les reins. Jusqu’à présent, on était resté tout le temps liés tous les quatre. Alors on est sorti. Et Cling, clag. Ils nous emmènent et nous conduisent comme dans une gendarmerie.
Le même soir on nous conduit à SCHTAILLE (là où Johnny Hallyday il a chalet pour ne pas payer d’impôts en France). On nous emmène à la prison de SCHTAILLE, et moi j’avais toujours ce revolver. Si on le trouve sur moi, je suis cuit. Mais comme ma mère, en bonne paysanne, m’avait envoyé des bas de laine, je l’avais roulé dans des bas de laine. Je sors tout ce que j’avais dans mon sac. Ein, deux, trois, quatre, cinq, six [en allemand]. Il a tout poussé mes affaires, une après l’autre. Gut, cest bon. Je remets tout dans mon sac.
Ils nous donnent une bricole à manger et nous mettent en cellule. Le lendemain matin, on est parti pour aller à ALTECON, en Suisse allemande. Entre temps, les Suisses nous avait fait signer un papier que j’ai. Il disait que nous étions internés militaires en Suisse mais que nous n’avions pas le droit de nous évader. Ils ne voulaient pas avoir des histoires avec les Allemands, et nous avaient fait signer ça.
Je ne sais pas vous … [sic !], mais les Français, vous connaissez la mentalité française. On peut jurer, mais quand on n’est pas croyant, de jurer, ce n’est pas grand-chose. Alors on est passé en jugement. On nous a envoyé dans un petit camp où se trouvaient des Alsaciens. On était une cinquantaine. Il y avait un officier suisse allemand qui avait plus l’allure d’un Allemand que d’un Suisse, avec ses cheveux. La tenue [militaire] suisse et allemande, vous savez, elle est pareille. Il n’y a pas une grande différence. On ne nous donnait pas à manger.
Les quatre collègues on s’était retrouvé avec un professeur de lettres de Bordeaux. Je le vois toujours, il avait une trentaine d’années à l’époque.
Le professeur nous dit : «Ce n’est pas normal ça, on n’a qu’à pas aller travailler. »
Le matin, le garde crie «Au travail, au travail. » Il crie en allemand, mais j’ai perdu mon allemand. A la troisième fois, comme on refusait d’aller au travail, il donne l’ordre aux soldats qui mettent le fusil mitrailleur.
J’ai dit aux collègues : «Bougez pas ; les Suisses ne vont pas se mettre à tirer. »
Les Alsaciens sont allés au travail, vous voyez. Eux qui comprenaient bien l’allemand et tout, ils sont allés au travail. Et nous, les officiers et le professeur, ils nous ont mis en cellule. Alors je peux vous dire, je sais ce que c’est la cellule, sans manger, avec un seau d’eau, vous vous rendez compte. Au bout de trois jours, on est sorti.
Il parlait avec son accent suisse allemand, et nous disait : «Vous comprenez, vous comprenez… »
Je lui ai dit : «Vous croyez que ce que vous avez fait c’est bien ? Vous ne savez pas ce que c’est que la guerre. Vous ne l’avez pas vue. Les Suisses c’est la finance, et ??. Moi je peux vous dire ce que c’est que la guerre. Ce n’est pas digne d’un officier ce que vous avez fait. »
Il s’est excusé, avec son accent allemand. Mais comme on avait été condamnés à trois mois, on nous a envoyé dans un camp de concentration suisse. Je peux vous le dire le nom, WISTVIL. Là, bien entendu, on vivait dans un grand hangar. On était avec des Suisses, des droits communs. Oui, en Suisse aussi il y a des gangsters, des voleurs. On couchait dans la paille, sur des bas flancs. Nous on était que nous quatre, mais il y avait 150 ou 250 prisonniers, des évadés, condamnés à trois mois. On nous menait dans les champs pour travailler, pour enlever le chaume au-dessus des carottes. Quand les carottes étaient mures, on enlevait le chaume.
C’était une propriété d’au moins 320-350 prisonniers. Il y avait un garde armé. Il prenait une dizaine de prisonniers, il les amenait travailler dans les champs, les ramenait à midi pour la gamelle et le soir les ramenait en cellule. Vous voyez, ils travaillaient. Nous on nous ramenait à midi. On nous donnait un peu à manger, le soir une soupe, et c’est bon.
Et puis un beau jour, j’ai dit : « C’est bon. » Le gars de Bordeaux aussi.
Quand on prenait la douche, il y avait un gars qui avait 18 ans.
On lui demandait : « qu’est-ce que tu as fait toi ? »
« Oh, moi, je n’ai pas fait grand-chose. »
Mais un jour je lui ai dit : « Mais tu as fait quelque chose ? »
« Oh… j’ai tué ma mère. »
Vous vous rendez compte, il n’avait pas fait grand-chose ! Il était en réclusion à vie, et il s’occupait des douches, et tout ça.
Avec nous il y avait un jeune médecin. Les médecins portaient un képi rouge dans l’armée. Il s’était évadé lui aussi et il était là. On passait quand même des visites médicales et c’était lui qui allait à BERNE chercher les médicaments qu’il nous fallait.
Alors un soir, avec le professeur de Bordeaux et les copains, on lui dit : « Si on te fait une lettre, tu la porteras à l’ambassadeur de France ? »
« Oui, je la mettrai dans la boite aux lettres. »
On lui fait une belle lettre pour Monsieur l’Ambassadeur, et plof, il l’a balancée [dans la boite aux lettres].
Trois jours après, on voit arriver une Mercedes avec le fanion français. On était là en train de travailler, d’arracher les herbes. C’était l’époque du doryphore et il n’y avait pas encore de produit. On nous donnait une boite d’un kilo pour ramasser les doryphores, mais quand on arrivait au bout, d’un signe, on balançait les doryphores sur les patates. Eux c’est leur vie les patates, kartofen. Même le Suisse, il était fou. Le lendemain, il n’y avait plus une feuille dans les patates, et nous on rigolait. Vous voyez, on avait d’astuce les Français.
Effectivement l’ambassadeur [le consul plutôt ?] est venu et on nous a appelé.
Le gars de Bordeaux avec qui on était bien collègue, je lui dit : « Viens, tu parleras mieux que moi quand même. »
« Qu’est-ce qui vous arrive ? »
On lui explique notre vie : « On s’est évadé, on a l’esprit français, quitte à reprendre le combat. On s’est évadé, on nous a arrêtés, on nous a fait signer un papier. On ne l’a pas tenu et on nous a mis ici avec des droits communs. Ce n’est pas trop agréable tout ça. »
« Bien. Votre nom ? »
« Mais on est toute une équipe, une cinquantaine. »
« Bon je m’occupe de ça. »
Le lendemain, allez, hop. Il est arrivé un convoi avec des camions pour nous prendre. On a ramené l’un disons aux Michels, l’autre à Peynier. Nous, on nous ramenés à ALTICON. Comme on s’était évadé à la frontière allemande, on nous a mis encore plus loin, de façon que pour s’évader c’était encore pire.
Puis est venu un ordre de Genève je crois, et on a été rapatrié.
Quatrième partie entretien DELEUIL du 17 juillet 2008,
Retour dans ses foyers, mariage, habite à Marseille et travaille au tramway 1941
Je suis rapatrié et je rentre dans mes foyers. Je retrouve mon frère, mon père. On était fils de paysans, je ne le dénigre pas, ce n’est pas un déshonneur, mais on ne voulait pas le faire [ ce métier].
Je n’avais pas de travail. Mon frère me dit : « Ecoute, si tu veux entrer au tramway, il y a un petit examen, tu n’es pas bête, tu le réussiras. »
En 1941, quand j’ai été rapatrié début mai, je me suis marié presque tout de suite. Nous nous sommes mariés le 21 juin 1941, à SAINT-SAVOURNIN d’où était ma femme. Drôle de mariage. On avait acheté un mouton, ma mère et d’autres parentes avaient fait des crèmes et on avait mangé.
On s’installe à MARSEILLE où je travaille au tramway « Fatalité, on crevait de faim à Marseille. » Ca commençait à être dur. On commençait à trouver des tickets de pain au marché noir. Il y avait des mouvements de Résistance qui se montaient au tramway, mais on n’osait pas trop en parler.
Et un jour, il y a des manifestations, en 1941, le 1er mai [vérifier date] pour du pain. On part vers la Préfecture, on descend la Canebière, on remonte la rue Saint-Ferréol vers la préfecture, on crie « Pour du pain ». Il y avait les troupes allemandes [Sic ![1]], on était occupé par la Gestapo, par Vichy [resic !]
J’étais avec mon frère, des copains que je connaissais bien. En face de la rue Pavillon, on entend une rafale de mitrailleuse et derrière moi, comme d’ici au rideau, je vois tomber 6 personnes. C’était Les Croix de Feu qui, de leur siège de la rue Pavillon, avaient tiré dans la foule[2]. On est arrivé à la Préfecture et ça s’est disloqué vite, vite.
Après on parlait de tout ça, de cette résistance.
Je travaillais au tramway, j’habitais à Marseille, rue ALFIERI (près du Bd Baille). Mon frère habitait rue Vincent, c’est lui qui m’avait trouvé l’appartement. Alors bien entendu, on n’avait rien à manger. Nous étions jeunes mariés.
Mon frère me disait : « Qu’est-ce que tu veux, c’est dur ici. »
Mon père, lui, me disait : « Mais qu’est-ce que tu fous à Marseille. Monsieur BOYER m’a dit qu’il pouvait te faire rentrer à l’ELM. » ([3])
Mon frère avait parlé à Monsieur INFERNET qui lui avait dit qu’il n’y avait pas de problème [pour que je rentre à l’ELM] : « DELEUIL, si vous voulez venir ! » Mon frère, lui, n’a pas osé venir. Il aurait fait encore une plus belle carrière.
Démissionne du tramway, entre à l’ELM et retourne à Trets en 1942
Je donne ma démission au tramway et, en septembre 1943, non 1942, j’ai rentré à l’ELM. Mon frère, qui a aujourd’hui 93 ans, y était déjà. Il était contremaître. J’ai commencé par la base, mais on avait le jardin, on avait le cochon, avec des poules, des œufs. Ca nous a changé la vie avec ma femme.
On avait un petit appartement de deux pièces, c’était exigu, mais on en avait assez. On avait une pièce derrière, mais on n’avait pas d’argent pour des meubles. Il y avait des toilettes sur le palier, mais de peur qu’on les salisse, le propriétaire ne nous avait pas donné les clés. On avait la tinette, on aller [allait ?] la porter, c’était l’époque…
Un beau jour, mon frère me dit « Tu sais que je suis dans un mouvement de Résistance. » Alors je lui dit par mesure de politesse : « Tu peux mon [me ?] compter aussi. »
[1] Les Allemands ont occupé Marseille le 12 novembre 1942 après avoir envahi la zone Sud le 9.
[2] Lors d’une manifestation à Marseille, le 14 juillet 1942, des membres du Parti Populiste Français, parti que Simon SABIANI avait rejoint, et qui avait son siège à la rue Pavillon tirèrent sur la foule. Il y a eu des morts, deux femmes et un jeune de 16 ans qui n’a pas survécu à ses blessures) [Léo LORENZI et Pascal POSADO, « 1939-1945 Les communistes face à la tourmente dans les Bouches-du-Rhône », édité par la Fédération des Bouches-du-Rhônedu PCF, sd, , 1995].
Dès le lendemain Paul CARBONE et François SPIRITO livrent à un officier allemand une longue liste de noms d’opposants ; les premières rafles de juifs à Marseille commencent en août 1942 [ p.47 in : Jacques FOLLOROU et Vincent NOUZILLE « Les parrains Corses » , Fayard 2007]
[3] ) Il s’agit très certainement du Lieutenant-colonel André BOYER (pseudo BAR), ami de Gaston DEFERRE, et créateur du réseau BRUTUS. Il sera arrêté le 8 décembre 1943, sur dénonciation d'un agent de l'Abwehr infiltré, à Paris. DEFERRE lui succède et prend ACHIARY, pseudo DUPUY, comme second. André BOYER disparaîtra le 4 Avril 1945, après s'être évadé de la prison de NORDHAUSEN.
Cinquième partie entretien DELEUIL du 17 juillet 2008,
Echappe à une affectation spéciale à Martigues
Quand je retourne, que suis rapatrié, Monsieur INFERNET me dit qu’il y a une loi de Grenoble, on des affectés spéciaux. « Tu seras affecté spécial, mais je suis obligé de te changer de Trets. » J’étais obligé d’aller à MARTIGUES.
J’ai dit à ma femme : « Je vais y aller, je ne reviendrai que le Samedi, toi tu restes là, parce que c’est difficile de trouver un appartement, tout ça… »
Et puis je rencontre un gars de l’Energie du littoral à SAINT-SAVOURNIN, un agent détaché pour les mines. Le pauvre, il est mort pour la Résistance. Il s’appelait GIRAUDOT, d’ailleurs à Trets il y a une rue GIRAUDOT. Il travaillait avec son frère Marius qui est encore vivant, il a 86 ans, mais il n’est pas trop en état.
En parlant, il me dit : « Moi ça ne me ferait rien d’aller à Martigues », parce que les deux frères ne s’entendaient pas trop.
Alors BOYER il me dit : « Arrangez-vous comme vous voulez, moi je ne veux rien savoir. »
Donc moi, ça m’arrange. Ma femme est de SAINT-SAVOURNIN, j’aurai mes beaux-parents, et je serai toujours mieux accompagné. Alors nous nous sommes mis d’accord, lui pour aller à MARTIGUES, et moi à SAINT-SAVOURNIN. Mais pour aller à SAINT-SAVOURNIN, il n’y avait pas voiture, en vélo j’y allai. Cela faisait 17 kms, et je ne sais pas si vous connaissez, ça monte comme ça. Je m’étais mis en rapport avec un gars qui était marié avec une fille de TRETS, un nommé REBUFFAT, qui faisait des transports de charbon. Il me monte à SAINT-SAVOURNIN
Tribulations à vélo avec sa femme enceinte, menaces contre un marchand au marché noir pour faire transporter sa femme
Un jour ma femme était chez sa belle-mère, elle avait le cafard, elle était enceinte de huit mois et elle me dit : « Je voudrai aller à la maison ».
On est parti à pied [ou à vélo ?], par La Pomme, LA BOUILLADISSE. Au croisement, il y a une route qui monte vers FUVEAU et celle qui descend vers PEYNIER, au JAILLET. Quand on était en haut du JAILLET, je lui dis : « Allez, mets-toi sur le porte bagage. »
Elle s’accroche à moi et on descendu jusqu’à TRETS en pédalant doucement, doucement. Elle était enceinte de huit mois, un mois après elle accouchait d’une fille superbe qui faisait près de quatre kilos.
Le dimanche d’après, elle me dit : « j’aimerai bien voir ma maison. » On était chez les beaux parents, et là de peur qu’on accouche, Esther lui prête un vélo.
On arrive à l’intersection de La Pomme, et là on voit les gendarmes. A l’époque, il y avait une plaque pour les vélos. Ça coûtait 2,50Fr ou 3Fr, et on payait une plaque. Il y avait un gendarme qui était méchant, mauvais, je le connaissais par le travail. Un petit type qui n’avait jamais rien foutu, il s’était mis dans la gendarmerie pour se planquer.
« Alors vous avez les papiers ? »
« Oui, tenez. »
« La plaque ? »
« Odette, donne moi la plaque ? »
« Oh, l’Esther, elle ne me l’a pas donnée. »
« 3,50Fr d’amende. »
Je paye l’amende et nous partons. Je le regarde avec un drôle d’air, on vire, on tourne, et puis on part. Quand on arrive à la montée pour FUVEAU, paf, on crève. A l’époque, les pneus … [n’étaient pas solides].
« Eh bien, je crois qu’on va monter à pied. »
Je vais cacher le vélo dans les broussailles, et on voit arriver une voiture. Je connaissais le chauffeur, c’était un gars de TRETS, de LA COMBE, qui faisait du marché noir. Il avait une traction avant qui roulait au gazogène et dont il avait noirci les vitres. Comme il avait du vin, il descendait du vin, du cochon, tout ça. Il s’appelait, j’ai oublié son nom, ça me reviendra…
Comme il arrivait, je prends le vélo, je le lui envoie devant la voiture. Il pile, il descend et me dit : « Tu es fou ! »
Je luis dis : « Non, je ne suis pas fou. Vous voyez cette femme, là, l’état qu’elle est. Vous avez vu le ventre qu’elle a. Vous allez la prendre. »
« Je ne peux pas »
Alors je lui dis : « Je vais vous faire voir comment on fait. Descendez. »
Parce qu’il ne fallait pas trop me boustiller quand j’étais jeune, même maintenant. Je me retiens, parce que là où je suis, en haut [en maison de retraite], il faut avoir de patience [expression à garder] pour les supporter. Enfin !
« Je vous connais, vous êtes de FERY LA COMBE, et vous êtes Monsieur ???. J’habite chez Monsieur Garcin, et je vois votre voiture. Vous faites du commerce. Ça ne me regarde pas. J’habite au 24, chez Monsieur GARCIN, je vous connais. Alors, vous allez la prendre. »
Bon, il l’a prise et l’a emmenée.
(Moi, j’ai pris mon vélo) Le vélo, on est allé le chercher le lendemain.
Les Allemands à SAINT-SAVOURNIN
Pour revenir à SAINT-SAVOURNIN.
Mes beaux parents habitaient au Château de VALDONNE, parce que mon beau père était artificier. Ils habitaient dans une belle villa, une jolie villa pour l’époque. Je partais le matin en vélo, j’attendais comme je vous l’ai dit le camion.
Humilié par les Allemands, il s’en souviendra
SAINT-SAVOURNIN était occupée par les Allemands de l’African Korps, les Allemands de ROMMEL. Il y avait un officier, je le vois toujours. Vous voyez, il est marqué là. Il était avec le monocle, la badine, je ne sais pas s’il était capitaine ou lieutenant, mais il était gradé, avec la croix gammée et tout. Le matin, il arrivait. Il n’y avait qu’une rue à SAINT-SAVOURNIN, une rue principale, une rue dessus et une rue qui monte, elles se rejoignent. Cette rue fait 200m de long. Avec sa badine, il disait : « Mesdames, au travail ». Ils faisaient frotter les femmes, les femmes de droite, elles frottaient la rue, les femmes de gauche, elles frottaient la rue, au frottoir. C’était comme ça, nickel, et lui il se marrait. Si je l’avais attrapé, je le fusillais, pourtant je ne suis pas méchant.
Mais attendez, le monde est petit.
Un jour, il y avait ces hommes, parce que moi je l’ai vu ROMMEL à SAINT-SAVOURNIN venir prendre les honneurs. Il y avait ces hommes, deux adjudants et un sous-lieutenant, d’après les grades. Ils vivaient chez une sage femme, pas loin de la montée du cimetière. La sage femme elle était marquée par une tache de vin, à l’époque ça existait, maintenant ça se voit moins.
Et moi un jour, avec Dominique GIRAUDOT qui a été tué à la résistance à VALDONNE. Ils arrivent, ils disent « ARBEIT, au travail ». On prend la pelle et la pioche, ils nous font descendre dans le champ et ils tracent le carré.
Alors, en provençal, je dis [à Dominique] : « Si on ne le fait pas, ils nous tuent ; alors on va mettre le temps » Et on a mis le temps pour faire le trou. Quand on a fini de faire le trou, ils se sont esclaffés de rire : « Défense passive ». Ils se sont foutus de nous. Mais vous savez, on a beau être courageux, quand on voit la mort de près… On a balisé. Lui le pauvre, il est mort au combat.
Alors, fatalité, ça se passe, et je reviens à TRETS.
Actions du maquis de TRETS
On entre au maquis à TRETS, et le maquis se passe. Comme j’écris pas mal, on m’avait mis à la réception des grenades, parce que des types au maquis, ils s’amusent à garder les grenades. Quand on partait au combat, je donnais une grenade Gamon quadrillée, une mitraillette.
Est-ce que vous aviez du cyanure, au cas où vous auriez été pris ?
Non, nous notre ordre, on avait une grenade quadrillée. Si on était pris, on se faisait sauter. On lâchait la grenade, et comme on la lâchait entre nous et le type qui nous avait pris, ça faisait deux morts. Ça c’était un ordre de BURDET, le commandant.
Alors pour vous finir, il y avait ces types, ces quatre bonhommes
Et moi, j’inscrivais tout ça au Maquis de Saint-Jean. Il y avait les frères PUCINELLI, quatre grands résistants, Marcel qui est mort subitement il y a six mois un an. Ils partent, je n’y étais pas, j’étais parti ailleurs. Ils partent avec mon frère, lui en tant qu’officier. Ils vont faire une embuscade sur la nationale 7. Ils étaient cachés dans un ruisseau, on leur avait signalé un convoi d’Allemands. Ils voient arriver quatre chars. Les chars s’arrêtent et mon frère fait signe de ne pas intervenir. Ils s’étaient arrêtés pour faire leur pipi. Encore un peu, ils leur faisaient pipi dessus. Vous vous rendez compte. Et le char part, c’était un petit convoi, avec des officiers. Ils ont liquidé les quatre voitures avec les officiers, ils les ont liquidés à la mitraillette, à la Gamon et à la mitrailleuse.
En revenant au maquis, ils ont laissé les morts sur place bien entendu. Lorsqu’ils sont revenus, on leur a signalé qu’il y avait des soldats Allemands dans une ferme qui s’appelle La Neuve. Elle était de Monsieur JOLLY, Désiré Henry.
Puccinelli, il prend une grenade, il dégoupille, il rentre. On a la chance qu’on avait un gars qui s’appelait WILLY, il était alsacien, il parlait bien l’allemand. Toutes les fois, il était dans les coups avec nous, il nous a sauvé la vie deux ou trois fois.
Il leur dit : « Rendez-vous », et ils se sont rendus…
L’Allemand qui était à côté de moi, je le regarde. C’était le type qui nous avait fait faire le trou, vous savez on ne l’oublie plus. « Putain !», j’appelle mon frère, les collègues et je leur dit « là on va rigoler ». Ce connard là, il m’a fait faire le trou pour me tuer et après, il m’a dit que c’était pour la défense passive. Alors je dis à Willy : « Demande lui un peu si c’est lui. » L’Allemand répond : « NIEN, NIEN » Alors je lui en tire une, mon ami. « Demande lui un peu s’il n’était pas chez la sage femme qui avait la tache de vin. »
J’ai cru qu’il allait mourir. Ils sont comme les autres les Allemands ; ils n’ont pas plus de courage. J’ai dit que je ne le tuerai pas, dit lui que je ne le tuerai pas, parce moi je suis ??? . Mais il va me servir, comme un petit chien il me servait. Tout adjudant qu’il était, comme un petit chien il me servait.
On ne les a jamais tués, on n’en a tué que deux, deux officiers qu’on avait fait prisonniers à PUYLOUBIER. Les Américains ont voulu nous prendre les prisonniers à VAUBAN, où on s’était arrêté pour boire à une source, c’était le mois de juillet, il faisait chaud.
C’était grâce à Willy qu’on avait fait des prisonniers. A ce moment là, nous n’étions que sept, avant on était quatorze. Mais eux, les Allemands, ils étaient trente-deux, armés jusqu’aux dents et ils ne voulaient pas se rendre. Mais à un moment donné, il y en a un qui est allé manger du raisin dans les vignes. Pan, on lui a tiré dessus. On avait placé une batterie à droite, un fusil mitrailleur à gauche, pour faire croire qu’on était un régiment. On arrête les trente deux Allemands. On ne les fait pas manger, mais on les fait boire. Ils n’ont jamais été privés d’eau, parce que c’est dur le manque d’eau. Et on est arrivé à VAUBAN, les Américains sont arrivés en même temps que nous ; ils voulaient nous les prendre. Mon frère a refusé. Il a dit : « Non, je suis officier, vous ne prenez rien. On les emmène jusqu’à TRETS, on vous les donne après. Il faut qu’on fasse voir qu’on a fait quelque chose. » Tout le long du trajet, ils nous parlaient : « Petits Français, et tatati et tatata ? »
Et on est arrivé à TRETS, là où il y a aujourd’hui Champion. C’était à Monsieur BURLE, de PEYNIER, le père du Maire, André Burle, le frère de Marcel qui a la compagnie d’autocars. Il avait acheté des terrains avec lesquels il a fait une fortune, aujourd’hui il y a des maisons, un laboratoire d’analyse, un vétérinaire, etc.
On les a mis là. Parce que j’avais fait la guerre, j’étais un peu chef, je m’occupais des bonshommes. J’ai dit aux gars : « Mettez y des seaux d’eau, mais de quarante jours sans manger, ils ne mourront pas de faim. » Moi, j’avais souffert de la soif trois jours, c’est terrible. Même les officiers, tout officiers qu’ils étaient. Il y avait un appentis, on les a mis dedans et on poussé la porte. On n’a pas fermé. Il y avait un escalier avec une petite balustrade en haut où on a mis deux collègues pour les garder. C’était Marcel, je peux le dire parce qu’il est mort maintenant, et Martin, mort aussi. Dans la nuit, ils sont sortis pour voir le clair de lune, et quand ils sont sortis on a tiré à vue. Ce sont les deux seuls qu’on a descendus, parce qu’ils nous avaient nargués. S’ils avaient fermé leurs gueules…
Par qui ont-ils été enterrés ?
Ils ont été enterrés par la municipalité de TRETS. On ne s’est jamais occupé de qui était allé les chercher.
Moi j’avais attaqué un convoi avec mon équipe, j’étais le chef soi-disant. Il y avait moi, Willy, CAMINOT, les deux frères jumeaux AUDRIC qui avaient 16 ans, ASTRUC qui avait 17 ans. On était sept. Quand vous allez à SAINT-MAXIMIN, à un moment donné vous avez une grande chose en pierre, un chemin qui va sur la voie de chemin de fer. Mais là on était en haut, au dessus. On appelle ça le destray, pour tenir la terre. On avait fait un mur d’au moins dix mètres, et on était dessus. On a eu une chance bénie.
Mon frère Louis, il était avec RESPLANDIN, avec une mitrailleuse, en face de la campagne de ROQUEFEUILLE. Ils arrêtaient les Allemands, et quand ils faisaient demi-tour, on les rascassait. Mais on a eu de la chance.
C’était là que dans la nuit un autre gars a fait sauter un pin. Il n’y a eu qu’un camion qui est passé. Vous vous rendez compte, s’il y avait eu sept ou huit camions qui étaient passés, il y aurait eu des tirs et des morts.
Lorsque le camion est arrivé, devant lui il y avait un side-car avec un bonhomme tout plein de pansements, sur un brancard. Mes gars voulaient tirer. Il fallait quand même les tenir les gars, moi j’avais 24 ans, eux ils avaient 16, 17 ans ; ils étaient vaillants pour envoyer les grenades. J’ai dit : « Il est à demi mort, qu’est-ce qu’on va tuer ? » Puis j’entends le camion, voo, voo… avec dix-sept bonshommes devant et plein de munitions. Alors j’ai envoyé ma Gamon. J’arrête le camion, et mes gars tirent. Le camion prend feu, et mes gars continuent à tirer.
Combien y a-t-il eu de morts ?
Ils sont tous restés là. Maintenant que je suis un père de famille et tout, des fois j’y pense. Les gars, les Allemands, ils appelaient leur mère. J’étais un assassin, c’est la guerre. Mais quand j’y pense, pour ce que ça a servi. Lorsque j’ai vu lors du Débarquement, XX avec le Général de Gaulle, main dans la main. Mais Monsieur, ce n’était pas leur place quand même. Je ne sais pas ce qu’il fallait faire, mais inviter l’Allemagne le jour du débarquement [faire préciser, ce n’est pas très clair] C’est ma façon de penser, je ne sais pas si j’ai raison ou tort.
C’est là qu’en retournant, Willy était avec moi, les autres étaient partis. On avait un repère : on sifflait « Comme la plume au vent… », et il fallait répondre « … Femme volage ». C’était un gars du maquis. Moi j’entends bouger autour de moi et j’avais toujours la grenade. Je siffle et ça me répond. C’était Willy [pas clair non plus]
On nous avait envoyé un commandant, CARRETIER, qui était dans la Légion étrangère. C’était un ivrogne. Le peu de vin qu’on avait, il nous le buvait. Il était saoul, et il criait : « Bande de dégonflés. » Alors, un peu plus loin, j’entends encore siffler, c’était mon frère (celui qui a aujourd’hui 93 ans) qui était avec la mitrailleuse. Il me dit : « Il faut aller le chercher [CARRETIER]. Il va nous faire prendre. » On est allé le chercher là bas. Il s’est opposé en disant qu’il était le commandant. Mon frère lui a dit : « Il n’y a pas de commandant. Vous vous mettez derrière moi, c’est moi le chef, sinon je vous casse la figure. On n’est pas à l’armée, là c’est la Résistance. » Et il a fermé sa gueule. Il était ivre, la preuve, quand il a envoyé ses grenades, il n’a pas dégoupillé. Il a envoyé comme ça, sans dégoupiller. Vous vous rendez compte. Alors on arrive là pour sauter. Fatalité. Le ??? saute là, et moi là. Il y avait un passage d’un pont pour traverser. On connaissait comme notre poche.
Le pin, c’était un groupe de résistants qui avaient un peu de dynamite qui l’avaient fait sauter. Il avait bien tombé. Voilà pourquoi le camion que j’avais bousillé et les autres avaient fait demi tour.
Et là, je vois une voiture qui arrive, qui allumait et qui éteignait, qui allumait et qui éteignait. J’envoie la main, je défais une Gamon, et quand la voiture arrive à quatre mètres, boum, une explosion, dans le pare brise. J’étais à trois mètres de hauteur, dans les argelas. Un bruit terrible, puis plus rien. On retourne. On était dans un ruisseau, on entend parler allemand. C’était les Allemands qui étaient venus de TRETS, ils essayaient de sortir le pin.
Il y avait eu le débarquement à RAMATUELLE ([1]), et ils voulaient enlever le pin [pour passer]. Et nous, dites, on était à 50m, on était comme en plein jour, il y avait de lune. A ce moment là, on était dans le ruisseau, s’ils nous voient, ils nous fusillent. On est parti. On a attendu un moment, et on est parti. Croyez moi, on a traversé la route, vite, vite. Et c’est là, le lendemain qu’on est allé voir.
On ne les avait pas enlevés. Il y avait un Colonel, un Général, ils avaient des galons en pagaille. Et c’est là qu’il me dit : « Ce que vous avez fait là mérite la Croix de guerre avec palme. » J’ai dit : « Je ne l’ai pas fait pour la Croix de guerre, si vous voulez la donner, vous la donnez à la mairie de TRETS,, pour tous les Résistants. » Moi, c’est un fait, ça c’est passé comme ça, c’était eux ou moi ; ça a été eux. S’ils me voient, ils me fusillent. Heureusement, avec leur voiture, ils allumaient, ils éteignaient, alors, au moment où ils ont éteint, j’ai balancé ma grenade. J’avais quand même eu l’astuce d’envoyer ma grenade. Je l’ai encore dans la tête…
Fin de l’entretien de DELEUIL du 17 juillet 2008
retranscrit intégralement par Michèle BITTON.
14 Novembre 2008: Congrès national de l'ANACR à Marseille
Congrès national de l'ANACR à Marseille (Ass. nationale des Anciens Combattants et Ami(e)s de la Résistance)
- l'un comportant des points très intéressants de l'histoire de Marseille, par le Président départemental de l'ANACR, Jean Paul MARCADET (FFI-FTP) qui a promis de m'en envoyer une copie,
- l'autre, d'une très grande portée morale et historique, présenté comme rapport du bureau national de l'ANACR par Charles FOURNIER-BOCQUET, lieutenant colonel FFI. Je vous enverrai plus tard copie du texte publié dans le numéro 1212-1213 du "Journal de la Résistance". Vous verrez que ce texte cite plusieurs fois le nom de Jean ZAY.
Outre Michel SAPPIN, Préfet de Région représentant le ministre Jean-Marie BOCKEL, le Général Georges CHARAGLIONE Commandant de Gendarmerie de la région PACA, Mr José ALLEGRINI représentant du Maire de Marseille, Mr. André VARESE représentant de la Communauté Urbaine de Marseille, le sénateur maire de Berre l’Etang Serge ANDREONI représentant du Conseil Général 13, le représentant du Président du Conseil Régional de la Région PACA
siégeaient à la tribune de ce congrès :
Président du Congrès : Robert CHAMBEIRON
Secrétaire général adjoint
du Conseil National de la Résistance
Grand' Croix de la Légion d'Honneur
Président délégué
de l’ANACR
Robert CHAMBEIRON est une figure marquante de la Résistance française :
Jean
Moulin, qui l’avait connu en 1937 au cabinet du Ministre de l’Air de l’époque l’appela auprès de lui en novembre 1940 dans le groupe de ses collaborateurs les plus intimes.
Robert Chambeiron y fut notamment chargé de la préparation et de l’organisation de la réunion du 27 mai 1943 à Paris où fut créé sous la présidence de Jean Moulin
le Conseil National de la Résistance (CNR) qui apporta au général de Gaulle l’adhésion de la Résistance unanime, favorisant ainsi la légitimité du chef de la France Libre que lui contestaient
jusqu’alors les Américains et écartant par là même le plan américain de création d’une force alliée chargée d’administrer la France au fur et à mesure de la libération de
son territoire.
Jusqu’à la Libération, Robert Chambeiron assuma la responsabilité de secrétaire général adjoint du CNR dont il est aujourd’hui
le seul survivant.
Après la Libération, il participa aux côtés d’autres personnalités issues de la Résistance à
la création de l'Union Progressiste dont il fut le secrétaire général. Il fut membre de la délégation syndicale internationale invitée à l’occasion de la création de l’ONU à
San Francisco. Il fut ensuite plusieurs fois élu à l’Assemblée nationale et au Parlement européen.
Secrétaire Général de l’ANACR : Charles FOURNIER-BOCQUET (remarquable discours)
Lieutenant-Colonel F.F.I. (F.N.-F.T.P.F.)
Ancien chef de bataillon à la 1ère Armée,
Compagnon de la Libération, l’un des 2 présidents de l’ANACR :
Louis CORTOT
Front National – F.T.P.F.
Compagnon de la Libération
1er Commissaire de la République en 1944 : Raymond AUBRAC
Raymond Aubrac, de son vrai nom Raymond Samuel, est né le 31 juillet 1914 à Vesoul. Ingénieur de formation il s'engage avec son épouse Lucie dès 1940 dans la Résistance à
Lyon en prenant le pseudonyme Aubrac afin d'échapper aux persécutions de l'occupant. Aux côtés d'Emmanuel d'Astier de la Vigerie, il participe en région lyonnaise à la création du Mouvement Libération-Sud
et de l'Armée secrète, pendant la résistance à l'occupation nazie de la France, lors de la Seconde Guerre mondiale.
Le 21 juin 1943 il est arrêté à Caluire dans le département du Rhône
par la Gestapo (dirigée alors par Klaus Barbie), lors d'une réunion avec Jean Moulin dans le cabinet du Docteur Frédéric Dugoujon. Il sera libéré le 21 octobre suivant par un groupe franc dirigé par sa femme
Lucie au cours d'une spectaculaire opération commando qu'elle organisa, ils s'enfuirent ensuite à Londres en février 1944. Le film Lucie Aubrac réalisé en 1997 par Claude Berri, relate cette évasion.
Au
6 juin 1944 il est délégué à l'Assemblée Consultative d'Alger et en 1944-45 il est commissaire de la République dans les Bouches-du-Rhône ce qui équivaut au rôle de préfet.
En juillet 2003, il participe à l'appel « Une autre voix juive », qui regroupe des personnalités juives solidaires du peuple palestinien, pour une paix juste et durable au Proche Orient.
Il continue à participer à la vie citoyenne, prenant des positions tranchées comme lorsqu'il signe ainsi, en août 2006, un appel contre les frappes israéliennes au Liban, paru dans Libération et l'Humanité, à l'appel de l'UJFP.
ANACR 13 : Jean Paul MARCADET (excellent discours, histoire de Marseille)
FFI-FTP des Côtes-du-Nord,
Président départemental des Bouches-du-Rhône.
Jean THOUVENIN
F.N. Lycéens
puis maquisard F.T.P.F.
Inspecteur général honoraire de l'Administration de l'Education nationale.
Franck BEZIADE
Groupe Maurice - A.S. Bataillon Arthur
F.T.P.F. Landes - Lot-et-Garonne Président-délégué du C.D. des Yvelines
ANACR Paris : Jacques VARIN, secrétaire général
ANACR Marseille :
- Mr Jean Paul CHINY
- Mme Simone MOULET épouse CHINY, fille de Jules MOULET, Chef du NAP Marseille (Noyautage des administrations publiques), fusillé par les nazis le 18 juillet 1944, à SIGNES (Var),
ANACR Aix-en-Provence :
-
Mme. Marie Thérèse BRUN-CLAVERIE, Présidente, épouse de
-
René CLAVERIE, fils d’André CLAVERIE, Résistant maquis de Saint Antonin sur Bayon,
17 Novembre 2008 : Les Milles Provence-Auschwitz
Info du 17/11/2008:
27 Décembre 2008 : Stéphane HESSEL
Connaissez-vous Stéphane HESSEL, Résistant et Ambassadeur de France ?
Son père, l'écrivain Franz HESSEL, de nationalité allemande, traducteur de Balzac et de Jules Romains est incarcéré en 1939 par l’armée française au Camp des Milles, comme des milliers d’Allemands et d’Autrichiens considérés de façon absurde comme ressortissants « ennemis ».
Après l’armistice signé le 22 juin 1940, Franz HESSEL et son fils Ulrich sont libérés grâce au fait que son autre fils Stéphane HESSEL, de nationalité française, a été mobilisé en tant qu’aspirant dans l’armée française.
Stéphane HESSEL est un homme remarquable… « La légende d’un siècle » titre le Journal du Dimanche du 7 décembre 2008 (page jointe que je vous invite à lire).
Il est né à Berlin en 1917. Il est le fils de l'écrivain Franz Hessel et d'Helen Grund (le couple porté à l'écran par François Truffaut dans "Jules et Jim", écrit par son futur beau-père Henri-Pierre Roché).
En 1941 il entre dans la Résistance, rejoint l’Angleterre et sera arrêté en mission sur le sol français, par la Gestapo le 10 juillet 1944. Déporté à Buchenwald, Rottleberode puis Dora, il s’évadera.
En 1948 il a participé à la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Diplomate, il est nommé en 1971 sous-directeur du programme des Nations Unies pour le développement, puis ambassadeur de France en 1981.
Bernard Kouchner lui a demandé d'être, à 91 ans, aux avant-postes des cérémonies qui ont, à partir du 10 décembre, commémoré le 60e anniversaire de la " Déclaration Universelle des Droits de l’Homme" au Musée d'Orsay, puis à l'Unesco.
Franz Hessel, son père, mourra peu après sa libération du camp des Milles, le 6 janvier 1941 à Sanary
NB: Revoir à ce sujet le livre d'André FONTAINE ; « Un camp de concentration à Aix-en-Provence ? » « Le camp d’étrangers des Milles. 1939-1943 », Edisud 1989