La Gestapo n’est pas si loin
Nicolas Balique & Vladimir Biaggi
Éditions Vendémiaire
Les Éditions Vendémaire viennent de publier un ouvrage historique consacré à la Gestapo de Marseille, centré sur la personne de l’un de ses responsables, Ernst Dunker, ancien membre de la pègre berlinoise. Comme le souligne l’un des deux auteurs, Vladimir Biaggi, « Il est à l’origine de la déportation et de l’exécution de centaines de résistants, dont celle de Jean Moulin. Cet homologue de Klaus Barbie sera le dernier militaire allemand passé par les armes à Marseille en juin 1950, et rien n’avait été publié sur cet homme cruel, cynique, intelligent. »
À sa lecture, on réapprend tout ce que l’on sait sans le savoir, la destruction du quartier du Vieux-Port, le concours de la police française aux autorités d’occupation, les directives d’Himmler qui exigeait « une solution radicale et totale au problème de l’épuration » dans la cité phocéenne, considérée comme une « porcherie ».
Il est bon de se remémorer qu’alors, comme partout en France, « des forces importantes, idéologiques, économiques et mafieuses se sont organisées pour favoriser une collaboration active, allant parfois bien au delà de ce qui était exigé par l’occupant ». Jamais les allemands n’auraient été aussi efficaces sans l’aide des auxiliaires français, à la dénonciation spontanée, sans ces « agents retournés » de la Résistance qui ont livré les leurs, sous le coup de la torture… ou pas.
L’ouvrage est très dense et très précis, avec une foison de noms, dates, lieux. Pour le lecteur qui vit aujourd’hui en Provence, c’est un crève-cœur de reconnaître les adresses familières ; 70 ans ayant passé, plus rien hormis peut-être une plaque commémorative ne signale au passant ou au promeneur les horreurs qui s’y sont déroulées.
Le siège marseillais de la Gestapo au 425 rue Paradis, d’où 114 agents allemands en poste menaçaient tout le Midi jusqu’aux Hautes-Alpes, où la maîtresse de l’Hauptscharführer (adjudant-chef) participait férocement aux interrogatoires. La rue de Rome, où une exposition intitulée Juifs et Francs Maçons fut inaugurée par le Parti franciste, inspiré de Mussolini, le 28 février 1943. Le « vallon de la mort », à Signes, dans lequel les pelotons d’exécution achevèrent dans l’urgence des dizaines de résistants à la fin de la guerre.
Le destin est souvent ironique, parfois sardonique : Ernst Dunker sera trahi à son tour, par un ancien « ami français » en mai 1945. Un parmi tant d’autres de ces collabos prompts à retourner leur veste avec le vent de l’histoire, traîtres, doubles, triples ou quadruples traîtres… Là réside l’intense malaise qui perdure lorsqu’on clôt le livre. Voilà ce que le fascisme fait aux gens : ressortir le pire d’eux-mêmes.
70 ans, c’est peu de choses, vos grands-parents s’en souviennent encore. Imaginez aujourd’hui la facilité avec laquelle les moyens modernes de communication et de surveillance permettraient de vendre son voisin, et pensez à ce que l’on pourrait faire pour éviter d’en arriver là.
Ce que le fascisme fait aux gens : ressortir le pire d'eux-mêmes
GAËLLE CLOAREC
Décembre 2016
http://www.journalzibeline.fr/critique/la-gestapo-nest-pas-si-loin/
“Vichy, la pègre et les Nazis”
VOIR AUSSI:
Le journal LA PROVENCE nous informait le 1/4/2012 de la parution en anglais du livre de notre ami Isaac LEWENDEL
"Hunting Down the Jews, Vichy the Nazis and Mafia Collaborators in Provence 1942-1944"
(Sur la piste des chasseurs de juifs vauclusiens)
paru en français sous le titre
“Vichy, la pègre et les Nazis”
par Isaac LEWENDEL et Bernard WEISZ
Préface par Serge KLARSFELD